JOUR 28 :VILASERIO -CEE ( 40 kms)
Bonjour,
J'ai le plaisir de partager avec vous l'avant-dernière étape du Camino Frances effectué en 2018.
Dans cet article, vous pouvez cliquer sur les mots en gras soulignés qui vous emmèneront vers un site pour plus d’informations :-)
Bonne lecture
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Vendredi 27 avril 2018
Après une nuit entrecoupée de réveils, je m’installe devant un bon café pour démarrer cette journée.
J-1 avant le grand final, le point zéro, l’arrivée ultime.
Un mélange de calme et d’excitation me parcourt le long de la colonne vertébrale.
Aujourd’hui, je ferai la route avec Karsten, pas loin devant.
Comme convenu, nous marchons ensemble, mais chacun dans son for intérieur, dans ses moments de contemplation ou tout simplement pour savourer tous les moments de cette avant-dernière étape.
En sortant, la température extérieure me saisit.
9 degrés avec un petit vent froid qui vient caresser les maxillaires, me ramène très vite à la réalité.
La Galice ne s obtient pas aussi facilement.
Entre les côtes grinçantes, qui piquent un peu les mollets, et les routes parsemées de champs qui se perdent à l’horizon, j’avance ce matin sans penser à quelque chose de particulier.
En œil de mire, les éoliennes qui dominent la ligne des crêtes au loin.
Quelque chose me dit qu’on va devoir aller les côtoyer et ça va encore grimper un peu .
Je ne pensais pas qu'aller vers la mer serait aussi dur ce matin.
Jusqu’à la fin tu peux encore être éprouvé physiquement, et cette journée va me le rappeler.
Après avoir dépassé le village d’ O’Castro, un chemin vicinal, qui se mérite également, me permet enfin d’accéder au sommet, à une vue panoramique.
Assis, je contemple le paysage.
Instant de silence avec Karsten, arrivé juste avant moi.
Nous découvrons pour la première fois, la mer en contrebas et ses côtes escarpées.
Voir la mer est la promesse de notre chemin qui touche bientôt à sa fin.
Le temps a suspendu son vol.
Le monde semble être loin, bien plus bas et dans ce silence, j admire la lumière bleutée du ciel ou glissent quelques nuages cotonneux.
Je suis bien, serein et dans l acceptation de ce que la Vie m’offre à cet instant.
Un moment de plénitude qui vient vous remplir.
Pas de mots à mettre dessus. Juste ressentir, et le vivre.
Un peu de répit en traversant les bourgades jusqu’à Ponte Olveiroa me permet de savourer cette descente entre bois et monts rocailleux, touffus. Le paysage prend un coté sauvage.
Personne sur les routes, un ciel d’automne en fond d’horizon.
Enfin, après une bonne montée , je rejoins la ligne de crête avec ces éoliennes que j’avais aperçues ce matin.
Le paysage est splendide.
Une vue sur la rivière Xallas serpentant entre les monts couverts de genêts, de plantations diverses, s’étale devant moi à perte de vue. Une sensation d’être « loin du monde », de retrouver le cœur de la nature, galvanise mes pas.
Cette étape du jour semble être la dernière occasion pour être éprouvé, ressentir dans son corps, son âme avant la consécration de demain. Tout s’y prête ; le temps froid, les montées et descentes qui viennent faire grincer les mollets, le silence sauvage de cette nature qui vous plonge dans une contemplation intérieure.
C’est le dernier grand rendez vous avec soi, ses doutes, pour caresser encore la limite du possible, dans ce paysage abandonné ou ce ciel grisonnant lui donne un côté encore plus hostile.
Chacun de ses pas est une occasion de s’écouter, de voir surgir une bribe de conscience, de révélation sur soi, un fragment de passé, de futur, de valider la raison de ce présent, de tout ce qui concourt à ce que l'on soit là maintenant.
C’est dans cette rêverie que j’arrive à Hospital prés du seul bar qui propose des bouteilles d’eau en nous avertissant qu’il n’ y plus rien avant CEE si on souhaite prolonger de 13 kms notre épopée du jour.
Karsten est là , ainsi qu’Inga qui boitille un peu après s être fait mal à la cheville.
Rien ne nous donne envie de stopper ici, malgré les 28 kms déjà parcourus
Trop tôt en terme d’horaire et franchement trop tristounet, nous décidons de continuer.
Après quelques kilomètres, Inga nous demande de ne pas l’attendre.
Elle préfère avancer plus lentement, pour respecter son corps qui souffre sur cette distance et nous laisser avancer à notre rythme.
A regret, mais en respectant son choix, nous la laissons derrière nous en s’étant assuré qu’elle avait ce qu il fallait pour tenir et un téléphone en bon état de marche.
Nous avançons, toujours avec un peu d’écart entre nous sur cette ligne vallonnée parsemée d arbres, qui semble s étirer inexorablement dans le temps.
Pas de village ni âme qui vive pendant 13 kms.
Le corps devient une machine à faire des pas tandis que mon esprit s envole dans ses pensées.
Ce passage va être éprouvant pour moi.
Je le vois aussi dans le regard de Kursten qui souffre en silence, fixant un point d’horizon imaginaire pour le tirer encore plus vite vers l’avant.
J’ai l’impression de ne pas avancer, d’être dans cette journée sans fin qui se répète sur ce chemin interminable qui ne révèle que des courbes pour d’autres lignes droites.
Tout se mérite sur le chemin.
Enfin, la mer se dessine devant moi, récompense ultime de tout cet effort aujourd’hui.
Joie du cœur.
Délivrance du corps.
Les douleurs s’oublient, malgré cette descente interminable pour enfin poser les premiers pas dans la ville de CEE.
Nous trouvons rapidement une chambre à l’albergue « MOREIRA » qui nous donne une chambre avec vue sur le port.
Moment de réconfort avec une longue douche, qui vient gommer ces 40 kms.
Détente ensuite dans un bar ou nous trinquons à cette longue journée, en admirant la lumière sur la jetée.
Le bonheur d’être là, en ce moment parmi ces gens qui parlent, rient, se chahutent et de goûter à ce brouhaha de vie.
Moment de liesse, car demain midi chacun aura atteint le point ultime de son chemin.
Petite pointe de nostalgie aussi car la fin du voyage est proche.
C est si près que cela me semble incroyable, difficile à réaliser encore ce soir alors que 4 heures de marche nous séparent seulement de ce cet ultime moment.
De retour à l’albergue, je regarde de mon lit la lune rayonner sur la jetée, qui me berce de sa tranquillité intemporelle.
Avant de sombrer dans le sommeil du juste, me revient curieusement en tête une phrase « la fin fait partie du voyage »
Endgame …